La grande histoire du projet d’aménagement de « l’espace Mazagran », ou l’histoire d’un jardin perdu puis ressuscité !
(extraits du rapport moral 2013 de Brin d’Guill’)
Le premier semestre 2013 a été entièrement accaparé et bouleversé par notre engagement dans le projet d’aménagement urbain « Mazagran ». L’année a débuté par la démission d’un des deux co-présidents, suite à un conflit interne lié à sa participation au Comité de suivi participatif du « projet Mazagran ». La présidence a donc du être assumée par une seule personne, au sein d’un CA clairsemé par de nombreux départs, et dont les quatre membres restants ont vite croulé sous la tâche, surtout dans ce contexte de réunionite et de décisions importantes à prendre pour l’avenir de notre association.
Voici donc l’histoire du projet d’aménagement de « l’espace Mazagran » vue par les trois co-présidents de cette année : Sandrine, Lionel et Maria depuis l’intérieur de Brin d’Guill’.
La concertation, le projet.
Le projet de réaménagement de « l’espace Mazagran », espace public, englobe un territoire de 4500 m2 sur lesquels sont implantés les jardins de Brin d’Guill’. Le processus avait démarré en 2011 avec le lancement d’une concertation publique, qui a suscité une forte participation des habitants, malgré un déficit constant d’information de la population, notamment en direction des publics les plus éloignés de ce genre de démarche citoyenne.
Une analyse largement partagée par les divers participants de la concertation (associations, conseil de quartier etc) a dénoncé des manques en termes d’information, de communication et de timing des réunions, notamment à partir de la deuxième phase du projet de réaménagement.
Octobre 2012 : scenario de « déménagement » du jardin d’Amaranthes, stupeur et indignation.
C’est surtout à partir d’octobre 2012 que les choses se sont dégradées, mettant Brin d’Guill’ dans une position d’incertitude et d’incompréhension qui a rendu sa vie associative très difficile. En effet, la réunion de concertation publique d’octobre 2012 présentait un projet qui prévoyait la délocalisation du jardin associatif hors de l’îlot d’Amaranthes, où devait être installée une aire de jeux pour enfants.
Cette annonce a provoqué stupeur, incompréhension et indignation, car les conclusions de la première phase de concertation semblaient donner comme acquis le maintien du jardin d’Amaranthes à sa place historique, avec sa fonction de jardin partagée maintenue. Cette incompréhension et cette indignation n’ont pas trouvé à s’exprimer lors de cette réunion du fait de son dispositif particulier peu propice à la construction d’une parole collective publique (en plein air, avec migration en petits groupes autour des tables).
Février 2013 : l’AG vote en faveur du « déménagement » du jardin.
Entre temps, malgré la forte déception de la plupart de ses membres, soucieuse d’honorer ses engagements contractuels avec la Ville de Lyon (convention de mise à disposition temporaire des terrains) et afin de ne pas nuire à d’autres associations qui voudraient à l’avenir solliciter des occupations de terrains à titre provisoire, Brin d’Guill’ (à travers son CA et son AG de février 2013) optait pour une position « légaliste » : elle votait l’acceptation, « sans résistance », de ce projet de déménagement.
Au cours des mois qui suivent, en accord avec cette décision, le CA participait activement aux nombreuses réunions de chantier préparant le « déménagement » du jardin d’Amaranthes. Mais au sein de l’association, comme à l’extérieur, cette destruction du jardin associatif d’Amaranthes suscitait refus et colère. Au cours des 6 mois d’interruption de la concertation et de silence institutionnel, l’équipe en charge du projet et les élus ne faisaient aucune démarche d’information ni de communication pour expliquer ce choix incompréhensible. Le débat ne pouvait avoir lieu, la réunion promise promise pour décembre 2012 n’ayant pas eu lieu.
Mars 2013 : reprise de la concertation, protestations contre le « déménagement » du jardin.
C’est ainsi qu’à la reprise de la concertation, à la réunion publique de mars 2013, une opposition vigoureuse et inattendue au projet se manifestait, majoritairement de la part de personnes extérieures à l’association, au point que l’ordre du jour (technique) de cette réunion devait être abandonné pour faire place à un vrai débat (houleux) sur les motifs de ce déplacement.
S’en suivaient plusieurs mois épuisants d’échanges, mises au point, explications, négociations, au sein des divers groupes concernés et entre eux (notre association, divers collectifs du quartier, le conseil de quartier, l’équipe du projet, les élus, les architectes, …). Échanges épistolaires denses, rencontres officieuses, réunions officielles à un rythme effréné, dans un climat très éprouvant.
Deux bons points ressortaient cependant de cette période difficile. ►La reprise de contact de notre association avec le Conseil de quartier, avec mise à plat mutuelle des représentations erronées de part et d’autre et reconstruction d’un rapport de confiance et de coopération. ► La confirmation d’une dynamique d’engagement citoyenne et collaborative très forte au sein du quartier.
L’association prise en étau dans les reproches.
Cependant la période était très éprouvante pour le CA sur lequel les reproches pleuvaient de tout côté.
D’un côté, les élus leur reprochaient d’avoir une position « ambiguë » face au projet : on les accusait de manifester officiellement une acceptation hypocrite et de façade, tout en incitant les adhérents de l’association à contester le projet. L’équipe technique en charge du projet et la puissance publique, se défaussant de leur mission de communication du projet, reprochaient au CA de ne pas faire de pédagogie autour du projet pour le faire accepter ! La menace d’un changement de municipalité qui pourrait enterrer le projet et priver Brin d’Guill’ de jardin si le chantier ne débutait pas avant la fin du mandat était brandie.
De l’autre bord, les opposants au projet (internes et externes à l’association) s’indignaient et reprochaient violemment un positionnement frileux de l’association. En particulier, il était reproché à Brin d’Guill’ d’abandonner ses valeurs associatives en ne résistant pas officiellement à la destruction programmée de l’îlot d’Amaranthes, haut lieu de l’action participative citoyenne et populaire, symbole fort, affectivement et politiquement très investi, de la spécificité du quartier, et de la réappropriation par les habitants de leur cadre de vie, et d’expérimentations humaines, citoyennes, solidaires. C’était briser le cœur battant et militant du quartier.
Mai 2013, le tournant : une pétition pour soutenir le jardin.
Ce mouvement diffus de protestation culminait et prenait forme dans la mise en ligne fin mai 2013 d’une pétition qui a recueilli en 15 jours plus de 1000 signatures, accompagnées de commentaires étoffés, émouvants et argumentés, faisant la preuve de l’attachement très fort que suscitent le jardin et l’action de Brin d’Guill’, bien au-delà de ses 60 adhérents. C’est avec beaucoup d’étonnement, mais surtout de joie et de gratitude que l’association a découvert cet attachement. Elle a alors pris conscience d’une dimension symbolique dépassant l’objectif jardinier de ce jardin. Il apparaissait comme le symbole du pouvoir d’agir des habitants sur leur environnement.
L’impact de cette pétition sur les élus – un an avant les élections municipales… – a été décisif : à la réunion publique du 26 juin, un scénario alternatif a été présenté, avec maintien du jardin d’Amaranthes. Il est alors demandé aux associations présentes de choisir sur le champ entre les deux scenarii : celui qui est pratiquement finalisé techniquement et sur lequel les architectes planchent depuis 1 an (destruction du jardin en tant que tel), et la nouvelle proposition sortie deux heures avant le début de la réunion du chapeau des élus… Tous les groupes présents ont donc demandé un délai de réponse pour prendre le temps de décisions collectives.
Juin 2013 : deuxième AG de Brin d’Guill’, vote en faveur du maintien du jardin.
Le lendemain a lieu une AG de Brin d’Guill qui avait pour objet initial de travailler à une réorganisation interne et au renouvellement du CA. Cet ordre du jour est reporté devant l’urgence de la décision à prendre pour l’avenir du jardin. Dans un climat extrêmement conflictuel : les démissions pleuvent, les échanges sont passionnés mais aussi argumentés. Ils manifestent à la fois un fort attachement aux jardins et à l’association, ainsi que des visions assez hétérogènes de l’objet associatif de Brin d’Guill’.
Au cours de cette AG mémorable, chacun présente ses arguments et le vote a lieu : en faveur du maintien du jardin d’Amaranthes à son emplacement historique. Cette position est transmise à la collectivité. Et finalement, par courrier, les élus du Grand Lyon informent Brin d’Guill’ (entre autres acteurs du quartier) que le jardin d’Amaranthes restera jardin partagé.